Interview

Entretien avec Magali Braconnot, co-organisatrice du festival Oh La La

Comment êtes-vous arrivés dans la ville de Gardanne, vous et le festival 0h la la ?

Magali Braconnot : j’ai joué mes spectacles pour les touts petits dans les crèches et maternelles de Gardanne en 2016. Par ailleurs j’organise chaque année un festival pour les tous petits qui s’appelle Tralala-Tralalère, qui était au départ à Simiane, et qui à la suite d’un changement de municipalité a déménagé à Gréasque. Après sept éditions, Tralalère est devenu un événement plutôt reconnu, des gens viennent de toute la région, le bouche à oreille fonctionne très bien. Nous recevons environ 3000 personnes sur une journée. Le service culturel de Gardanne m’a contactée,  à la fois à cause de son budget en baisse, comme dans beaucoup de collectivités, et l’envie de développer une programmation pour la petite enfance de qualité autour du spectacle vivant. Après discussion – fallait-il faire venir Tralala tralalère à Gardanne ? – nous avons fait le pari de créer une toute nouvelle manifestation.

Dans quel esprit avez vous élaboré Oh La La ?

C’est une manifestation destinée aux tous-petits de 0 à 6 ans. Généralement, dans l’offre culturelle, il y a pas mal de propositions pour les enfants, mais pour les moins de 3 ans on va souvent les cantonner dans un coin, le coin « bébé », on ne va pas forcément s’adresser spécifiquement à eux. Pour ma part je revendique l’accès à l’art dans cette tranche d’âge. Il y a de plus en plus d’artistes qui s’y intéressent. Or le constat est rude, il est de plus en plus difficile d’obtenir de l’argent public pour créer des spectacles – les artistes ont d’ailleurs du mal à vivre de leurs métiers– et pour les lieux de diffusion. Les crèches, médiathèques aimeraient accueillir des spectacles, mais ne savent pas comment choisir, il n’y a pas beaucoup d’événements pour voir des spectacles pour les petits et ces professionnels manquent de temps et de références. Pour résumer il y a une volonté, partagée avec la Ville, d’un côté d’affirmer une programmation pour les tout petits et les familles et de l’autre l’idée de mutualiser des énergies, entre professionnels du spectacle et diffuseurs.  Oh la la ! a la vocation de devenir à terme un lieu ressource, où voir des spectacles, rencontrer des artistes, pouvoir ensuite élaborer une programmation de qualité.

Comment s’adresse-t-on a des tout petits ?

C’est très particulier ! En tant qu’artiste qui travaille pour des tous petits j’ai vraiment du travailler d’une nouvelle façon. C’est comme le théâtre de rue, les retours sont immédiats : si on est dans le rythme, si on est juste, les gens accrochent et participent. Sinon le public décroche…ou on reçoit des cailloux ! Les bébés c’est un peu ça. Si on les touche, si ça les concerne, ils sont attentifs, sinon ils décrochent très vite. Il faut qu’il se passe quelque chose toutes les 30 secondes, que ce soit très varié, et ramassé dans le temps : une demi-heure, trois quarts d’heure maximum. Les bébés ont un humour très personnel, il n’est construit que dans le cadre restreint de la famille, c’est une question de références, de relation ! Ca tourne autour de la répétition, de la surprise, des peurs, de la confiance, de l’étonnement, de choses très simples, quotidiennes… Il faut une certaine douceur, une approche très spécifique. Il n’y a pas les mêmes codes que pour les enfants plus âgés. L’éveil artistique ne se limite à la position « assis dans un fauteuil au théâtre, en silence et applaudir à la fin ». Les bébés n’ont pas cette culture là au début. Ils attrapent tout ce qui passe.

Vous nous dites aussi vouloir travailler sur l’accès à l’art ?

Oui. Car tout le monde ne se sent pas autorisé à aller au théâtre. C’est une institution forte, souvent un peu élitiste. Je travaille auprès des familles pour qu’elles se sentent autorisées à aller vers l’art, le spectacle vivant, en développant des moments où ce sont les artistes qui vont au devant des enfants. A Tralalère par exemple, des artistes déambulent dans le parc qui nous accueille et créent des moments artistiques de 5, 10 minutes. C’est tout un ensemble à penser avec l’environnement pour créer et stimuler l’éveil artistique.

Vu de l’extérieur, on est admiratifs de voir autant d’énergie déployée à défendre la culture alors que les temps sont un peu à la morosité…

Dans un temps de crise, il faut surtout pas mettre la culture de côté. Or c’est ce qu’il se passe, on coupe les budgets. Et dans une période où ça va mal, les gens ne vont pas bien, où il y a des turbulences sociales, je pense que c’est la culture qui peut nous sauver ! Au delà de se faire plaisir, d’accéder à du loisir, de la distraction, l’art et la culture c’est aussi une question d’émancipation. Se projeter dans un imaginaire, aborder des sujets par un biais artistique, un regard d’un autre angle, permet d’imaginer le monde autrement et de s’autoriser à le penser différemment voire d’y agir et de le transformer. Je porte des valeurs d’éducation populaire, et pour moi aller voir un spectacle ou prendre part à une action culturelle, c’est aussi apprendre à se prendre en charge, à faire ses propre choix, développer l’esprit critique, trouver sa place dans la société.

On peut dire que vous vous êtes bien trouvés, vous et Gardanne ?

Absolument !

Et c’est un grand plaisir de construire cet événement avec le service culture et vie associative de la ville de Gardanne ! Je les remercie d’ailleurs pour notre belle collaboration.